ecoglobe home ... Swiss "justice" - the Skander Vogt scandal
We reproduce this article because we detest the administrative mesure of locking away a person endlessly, without any chance to get out, based on the opinion of "specialists", in jail and in psychiatric institutions. In his frustration Skander Vogt set fire to his mattress and the guards simply let him die in the smoke, it seems.

Nous reproduisons cette article parce que nous détestons l'emprisonnement par mesure administrative sans fin, dans les prisons ainsi que dans les institutions psychiatriques, basé sur l'opinion de "spécialistes". Dans sa frustration, Skander Vogt a mis le feu à son matelas et les gardiens l'ont laissé crever dans la fumée, il semble.

Source: LeMatinDimanche du 10 novembre 2013

Skander Vogt, être ou ne pas être (mort)

Je suis Skander Vogt. Je suis un fantôme. Après être mort dans la fumée, j’erre dans la brume et les limbes, je me repose, je regarde le monde, je me divertis, même si je préférerais évidemment être ailleurs, et surtout vivant. Les jours où je m’ennuie un peu, réécoute es enregistrements des conversations entre policiers et gardiens qui avaient été publiés (par écrit) dans «Le Matin» et sur divers sites (de manière audio). J’aime bien réécouter que je suis un «connard» et que je «peux crever». J’aime bien les entendre rigoler pendant que le temps passait et que je mourrais , étouffé, seul, étrangement soulagé de terminer tout cela, ces dix ans de brouillard.

Je suis Skander Vogt, j'écoute ces voix, cet accent vaudois si particulier et que je connais bien, celui de certains fonctionnaires masculins si sûrs d'eux, si suffisants, si ces mâles vaudois, lourds, obtus, de vrais gaillards comme tous les gaillards du monde, épais, honorables et épouvantables, confis dans le lourdingue, le cerveau irrigué de mauvais sang, comme le gras irrigue un boutefas.

Oui, j’aime les écouter, je les ai pardonnés, ils ne savent pas ce qu'ils font comme a dit un autre jour une autre victime d’erreur judiciaire. Bientôt (la vie est si courte), ils seront morts eux aussi, et ce jour-là ils apprendront enfin quelque chose, qui sait. Peut-être qu’ils arrêteront enfin de rire, de leur rire administratif qui fleure bon le vilain chasselas et le pâté à la viande un peu affaissé. On se croisera peut-être, ils feront un peu moins les malins, ils seront, quant à eux, peut-être assez mécontents d’être morts. Qu'ils viennent, qu’ils prennent leur temps, je ne suis pas pressé.

Je suis Skander Vogt, et je regarde le procès es protagonistes de loin, c'est un peu distrayant, tous ces mensonges, ces bafouillages, ces contradictions, ces explications oiseuses, ces types de drapés dans leur bon droit, a posteriori. C'est très amusant, la justice qui essaie de revenir sur un désert de justice pour rétablir la justice. Une justice qui avait inquiété, je le rappelle, le journaliste responsable de la publication des conversations dont je parlais avant. C'est drôle, ils m'ont laissé crever au milieu de la nuit et ils seront sans doute blanchis alors qu'on avait très sérieusement ouvert une enquête contre celui qui a mis en avant la vérité objective de ce dialogue, lequel dialogue avait été nommé «débats officiels secrets» par le juge d’instruction (à mourir de rire, non?).

Oui, je suis Skander Vogt, condamné à 18 mois de prison, embastillé dix ans et sans perspective de sortie au moment de ma mort, sans raison.

Je suis Skander Vogt et je me demande comment les citoyens peuvent encore avoir foi en la justice. Je me disais que les personnes responsables à divers échelons (et à commencer par le conseiller d'Etat en charge) auriaent pu démissionner. Cela se fait, cela montre un peu de dignité, de grandeur, et de respect pour l'Etat. Mais non, chacun reste bien en place, la Venoge coule doucement comme de tout temps, le canton na vas pas si mal au fond, on oublie, et aujourd'hui il me fait bon dire qu'il était scandaleux de me laisser en prison On ne laisse pas sortir ceux qu’il faudrait, je me dis, je suis naïf et je suis mort surtout, je ne fais pas beaucoup de bruit, personne m’entend, alors je discute avec le fantôme du père de Hamlet pas de bol pour lui non plus.

Je suis Skander Vogt, je les regarde réclamer le rétablissement de la peine de mort, notamment ce jeune gaillard plein de vie et de sang, Xavier Schwitzmachin. Je voudrais te dire, mon gars, Xavier, oui, Xavier si fougueux, tu n'as pas besoin de t’esquinter ainsi, la peine de mort, elle a déjà été rétablie, c'est un type bien placé qui te le dit.

DENIS MAILLEFER Metteur en scène
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