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"Et pourtant" - Qui profite d'avoir tué Charlie Hebdo?
Nous reproduisons un article qui reflète une autre perspective, qui relève l'hyprocrysie: l'oublie de toutes les autres millions de victimes de terrorisme des états de toute réligion, de notre "civilisation".

Et pourtant

Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui ont réagi et continuent à réagir au crime perpétré mercredi à Paris. Des milliers de personnes s'apprêtent à descendre dans les rues réunies par le refus de ce crime.

A Paris, cet après-midi ce sont aussi le premier ministre britannique – celui qui fait surveiller électroniquement la presse - et le premier ministre grec - qui a fermé la télévision publique - qui défileront pour la liberté de la presse...

C'est l'organisateur des massacres d'enfants palestiniens à Gaza, Benjamin Netanyahou qui défilera contre le terrorisme.
The Paris Leader March
Hier, samedi, j'ai participé à Genève à une marche (en l'honneur ? en souvenir ? indignée ?... je ne sais plus) pour Charlie Hebdo. Pour résister le plus longtemps possible aux récupérateurs.

Et pourtant...

Je suis Charlie, je suis Gaza et je suis Falloudja...

Le crime perpétré à Paris est atroce, immonde. C'est l'Iconoclaste qu'on a tué, c'est la Civilisation qui est attaquée dans ses fondements.

Elle est attaquée dans ce qu'elle a de plus fondamental, de la même manière qu'elle l'est lorsqu'une puissance étatique bombarde un hôpital à Gaza, lorsqu'une armée d'occupation anéantit la population de Falludjah au White Phosphorus, une arme prohibée.

Sauf qu'on ne décrète pas le deuil national pour les victimes de Gaza ou de Falludjah. Pour elles, pas de centaines de journalistes, d'experts, d'heures d'émission sur les radios et les chaînes de télé, pas de minutes de silence! Pas de Xavier Colin pour pontifier avec sa pauvre géostratégie de pacotille sur les ondes de la radio-télévision suisse. Une fois encore, la compassion sélective est à l'œuvre...

Première, deuxième et bientôt troisième exécution?

Qu'elles sont écœurantes les larmes de crocodile versées sur la deuxième mort de Charlie Hebdo!

Ecœurantes surtout celles des héritiers politiques de celui qui avait été à l'origine de sa première mort, quand il s'appelait encore Hara Kiri - Charlie Hebdo. Parce que, c'est justement le ministre de l'intérieur de Georges Pompidou qui, en 1970 avait interdit Hara Kiri, coupable de sacrilège...

Ils avaient osé, les effrontés, caricaturer non pas le prophète, mais de Dieu himself, décédé deux jours plus tôt, lors d'un bal tragique à Collombey-les-deux-églises...

Quand c'est au nom de la liberté de la presse qu'on renforce Vigipirate, à savoir qu'on restreint toutes les libertés, la novlangue orwellienne n'est plus loin.

Et, on peut à coup sûr être certain que, en Suisse aussi, les assassinés de mercredi passé seront les invités d'une droite qui s'apprête à nous imposer une nouvelle loi liberticide sur la sécurité intérieure... Pour une troisième exécution de Charlie...

"Musulmans positionnez-vous"

C'est ce qu'on entend de toutes parts. Mais quand a-t-on entendu les média exiger un positionnement des chrétiens, pas du pape ou des hautes sphères de l'église protestante, mais de tous les chrétiens, à propos des attaques par la droite chrétienne contre les cliniques pratiquant l'IVG? à propos des prêtres pédophiles? du Ku Klux Klan?

Et ce ne sont pas l'émir du Quatar, le roi d'Arabie Saoudite ou Recep Erdogan, tous fervents musulmans mais bons amis de l'Occident, qu'on enjoint de prendre position, mais bel et bien les musulmans de France, d'Allemagne, d'Europe, dans leur immense majorité travailleurs immigrés.

Que la stigmatisation publique rendra encore plus vulnérables et corvéables...

Un constat d'échec

Le parcours des coupables tel que décrit par la presse est aussi plus qu'intéressant. Petites frappes de banlieue, condamnés pour des petits trafics et autres vols de voitures comme des milliers d'autres gamins des « quartiers », c'est en tôle qu'ils auraient été recrutés.

Quel constat d'échec ! De la prison, certes, devenue l'antichambre du voyage vers le martyre, mais aussi et surtout de la politique d‘intégration de l'immigration et des enfants issus de celle-ci. De quelles perspectives la société française a-t-elle su priver ces gamins pour qu'ils ne trouvent que dans une idéologie mortifère, y compris pour leurs propres personnes, un sens à leur vie ?

La vie des arabes ne vaut rien. Et celles des autres ?

Mais comment reconnaître la valeur de la vie, pour des enfants frustrés, parqués dans des tours HLM, régulièrement coursés et parfois abattus par les flics?

Comment demander à ces jeunes paumés de respecter la valeur de la vie, les valeurs de Civilisation alors que c'est au nom de cette prétendue Civilisation qu'on parque un million de musulmans dans une prison à ciel ouvert, Gaza, qu'on en assassine des milliers sous prétexte de protection d'un Etat colonial ?

Comment exiger qu'ils reconnaissent la valeur de la vie alors que des milliers d'hommes et de femmes qui ont partagé leur même culture, leur même langue ont été tué.e.s par l'embargo meurtrier de l'Iraq, par son occupation militaire par l'armée la plus puissante du monde intervenue au nom de la dite Civilisation ?

De même, la vie d'un Afghan n'a-t-elle pas la même valeur de celle d'un européen ? Et puisqu'on peut la leur ôter, aux Afghans, pourquoi ne pourrait-on pas en faire autant pour les européens ? A défaut d'égalité dans la vie, c'est celle dans la mort que les auteurs de la tuerie de mercredi ont choisie...

Paolo Gilardi

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