Article, paru dans Le MatinDimanche du 12.10.2014, page 5
La nébuleuse Ecopop pourrait créer la surprise dans le secret des urnes
Votations Officiellement. aucun parti ne défend l'initiative Ecopop. Pourtant. leurs bases semblent se laisser surprendre. Voici la typologie des tribus qui soutiennent le texte.
Fabian.Muhieddine@lematindimanche.ch
Une voix au Conseil des Etats et à peine trois au National... Le soutien des partis politiques à l'initiative Ecopop a toujours été des plus faibles. La gauche en fait un combat dogmatique et la droite conservatrice préfère miser sur le 9 février. Voici la version officielle du moins. Car dans les assemblées des différents partis, la question suscite souvent un débat houleux. Notamment à l'UDC, et cela aussi bien au niveau national que dans les sections cantonales. L'ASIN, l'association pour une suisse indépendante et neutre, très proche de l'UDC, a d'ailleurs soutenu le texte le week-end dernier.
Alliance contre-nature
Mais l'initiative qui demande de limiter l'augmentation de la population résidente (0,2% par année) et de mettre sur pied un programme pour diminuer les naissances dans les pays en voie de développement séduit aussi à gauche. Aussi bien dans les rangs des Verts (un récent sondage parlait de 36% des sympathisants Verts) qu'au sein du PS.
Au final, dans le secret des urnes, des alliances contre-nature pourraient donc donner un score bien plus haut qu'attendu à l'initiative. Un peu comme lors du vote antiminaret où la droite conservatrice avait eu le soutien de la gauche laïque. "Je sais que tout le monde est sceptique sur le succès de l'initiative, y compris au sein de l'association Ecopop," explique Anita Messere, coordinatrice de l'association pour la Suisse romande et le Tessin. "Mais c'est sans compter sur l'espèce de schizophrénie qui règne entre ce que les gens disent et pensent vraiment sur le sujet." .
Les écolos
Figure de proue: Philippe Roch, ex-directeur de l'Office fédéral de l'environnement
"Il faut ouvrir le débat sur la question démographique. C'est un des facteurs qui augmente la pression sur la nature et les ressources. Bien sur qu'il y a aussi le niveau de la consommation par habitant. Mais le nombre d'habitants est un aspect tout aussi important. Pour l'instant personne ne s'occupe de démographie en Suisse. La classe politique dans son ensemble promeut la croissance du PIB et les Verts tentent d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments ou des appareils. Il faut le faire. Mais ça ne suffit pas. L'empreinte écologique en Suisse est cinq fois supérieure à la capacité écologique de notre pays. Si toute la planète vivait au niveau suisse, il faudrait trois planètes. Avec le niveau mondial actuel, nous sommes à une planète et demie. Nous devons freiner la croissance. Il ne s'agit pas de supprimer l'immigration mais de mieux la maîtriser."
Les conservateurs
Figure de proue: Lukas Reimann, conseiller national (UDC/SG) et président de l'ASIN
Sous la Coupole, l'élu fait partie des rares parlementaires fédéraux à avoir voté en faveur du texte. Mais la tentation Ecopop existe plus largement à droite. Fabien DeDeillon, membre du comité de l'UDC vaudoise, ose afficher sa sympathie pour Ecopop. "Je suis favorable à une limitation de l'immigration, commence-t-il. Il n'y a plus de place nulle part. Après, on peut discuter du chiffre, s'il faut 0,2% comme le demande l'initiative, ou plus. Mais je voterai aussi oui à ce texte, parce que nos leaders politiques ont aussi besoin d'une bonne fessée. Ils refusent d'appliquer toutes les initiatives qui ont été votées comme celle sur le renvoi des criminels étrangers ou celle contre l'immigration de masse. Je ne me fais aucune illusion sur les chances de l'initiative, mais il faut lancer un signal au gouvernement.
La gauche
Figure de proue: Anne-Marie Rey, ancienne députée socialiste bernoise Difficile de trouver en Suisse romande un soutien à gauche pour l'initiative Ecopop. Pourtant, là encoe, les apparences sont trompeuses. "Même s'ils ne s'affichent pas, je connais pas mal de socialistes favorables à l'initiative", affirme Anne-Marie Ray. Ses motivations? "Une sensibilité écologique, bien sûr, répond-elle. La croissance infinie tant démographique qu'économique est impossible dans un petit pays et sur Une planète finie. Il est temps de penser un nouveau système économique. Ça s'arrêtera un jour. Vaut mieux tôt que trop tard. Mais il y a aussi le droit des femmes à maîtriser leur fécondité. La gauche et les Verts officiels opposent la stabilisation de la population mondiale et l'autodétermination des femmes. Or l'accessibilité du planning familial (éducation sexuelle, contraception), comme le prévoit l'initiative, est primordiale pour les droits des femmes.
Les milieux économiques
Figure de proue: Thomas Minder, conseiller aux Etats (Libre/SH) et entrepreneur
Là encore, difficile de trouver en Suisse romande des entrepreneurs, généralement proches du PLR, qui acceptent d'exprimer leur soutien. Mais ils existent. Proche de ces milieux, Anita Messere, coordinatrice romande, explique leur soutien: "Les entreprises étrangères viennent avec leurs propres cadres. Ils engagent ensuite les petites mains. Du coup, il faut bétonner le pays pour créer les logements et les infrastructures nécessaires. Les pouvoirs publics sont sous pression. Mais aussi la population qui se retrouve avec des embouteillages, des prix de l'immobilier qui ne cessent d'augmenter et une concurrence accrue sur le marché du travail. Je suis convaincue que les chiffres officiels du chômage - entre 3 et 4% - ne correspondent pas à la réalité. Entre ceux qui sont en fin de droits ou ceux qui vivent sur leur fortune et ceux qui terminent une formation sans avoir droit au chômage, le chiffre est bien plus haut."
LaMatinDimanche 12 octobre 2014 p. 5
"La surconsommation des ressources fait partie d'une équation dont l'autre variable est le nombre des consommateurs." Phillippe Roch
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