![]() L'article ci-dessous a été écrit pour le magazine trimestriel "itinéraires" No 71 été 2010 sur le thème de l'urgence. Les photos sont celles de la version imprimée du magazine. |
L’urgence de la "décroissance"La terre souffre de surexploitation par l’homme. La croissance augmente notre pression. Logiquement, nous devons réduire, "décroître", nous devons!Petite histoire Sur une petite poussière de matière dans l'univers, vint le moment où la vie commençâ. Il existe peut-être d'autres poussières avec des êtres vivants, mais nous ne le saurons jamais. Trop immenses sont les distances dans l’espace et le temps. Alors, notre destin est de vivre sur notre planète, la terre que nous partageons avec toutes les autres espèces qui ont reçu le souffle de la vie. Il y a 200'000 ans, les premiers hommes dotés de notre physique et capacité intellectuelle se sont probablement demandés où se trouvait la fin de leurs immenses plaines et forêts. Ils ont migré et finalement, dans notre ère moderne, nous avons découvert la frontière: la terre elle-même, petite boule dans l’espace. La croissance Elle est d'abord le "développement progressif d'un corps organisé", un être vivant, plante, insecte, bactérie. On sait que la croissance va, à un moment ou l’autre, immanquablement s'arrêter, suivie de mort et de décomposition. Ainsi, une vie cède sa place, son espace et ses moyens à une autre génération. C'est comme ça, la vie. Elle finit avec la mort; pour ceux qui le croient, il y a la vie éternelle au paradis, où l’on n’a plus besoin de pain, de vin, de maison, de travail ou d’espace pour habiter. ![]() La croissance de la population a été rendue possible par la technologie, à savoir l’agriculture et les machines. Après l’invention de la machine à vapeur, au début du 17ème siècle, la technologie a pris un grand essor, grâce aux énergies fossiles, au pétrole surtout. Sans pétrole, la vie moderne n'eût pas été possible. Or, il faut savoir que les énergies dites "renouvelables" ne peuvent pas remplacer les nombreuses applications du pétrole. La croissance économique - du Produit Intérieur Brut (PIB) - représente l’augmentation annuelle de la quantité des produits que nous fabriquons. Le PIB mondial par personne est longtemps resté plus ou moins stable, jusqu’à la fin du moyen âge. À partir de l’ère industrielle, le PIB a commencé à augmenter, voire à exploser depuis 1945. État d'équilibre On estime que l’être humain a vécu dans un état d’équilibre réciproque avec son environnement jusqu’à l’introduction de l’agriculture, il y a 10'000 ans. Depuis lors, nous épuisons la nature et les ressources non renouvelables avec une vitesse en ascension. Nous exploitons les minéraux, coupons les arbres, exploitons les autres espèces jusqu'à un point d'extermination. Notre croissance matérielle et démographique est la pure colonisation des espaces naturelles, leur dégradation et finalement la destruction de notre base de vie. Sans nature, mais avec des montres en or, nous ne pouvons pas vivre. Cela n’est pas nouveau, c’est connu et documenté dans les détails mêmes. Nous avons gravement altéré l'équilibre naturel entre espèces - dont nous faisons partie - et les ressources de la terre. Nous sommes allés trop loin, mais de combien? ![]() Si l’on assume que l’humanité était encore plus ou moins durable avant l’ère industrielle, nous avons dépassée la capacité de la terre à nous supporter de 400 fois, depuis 1750. Ce calcul diffère fortement de "l’empreinte écologique" du footprintnetwork.org qui compte notre utilisation des ressources vivantes, de la capacité "bio-productive". Selon le Global Footprint Network il fallait maintenant 1,5 terres pour vivre durablement, contre une terre dans les années 1980. Mais aucun nombre de terres ne pourra compenser l'épuisement de ressources non-renouvelables. [Comparez: Ecological Footprint update and critique January 2011 ![]() Quoi qu'il en soit, nous sommes loin d’un équilibre. Le pétrole – signe numéro un des ressources limitées Par "pic de pétrole" on entend le maximum d'extraction possible de brut par jour: il semble qu’il soit arrivé. D'ici peu, nous serons exposés à une baisse de disponibilité des produits pétroliers ainsi que du gaz naturel. Dans un rapport récent de l'état-major des états Unis, la demande de pétrole ne pourra plus être satisfaite dès 2012. Un écart - nécessairement théorique - entre demande et production de 10% est attendu pour 2015. Le pétrole n'est pas seulement utilisé pour les transports, le chauffage et la production d'électricité. Il sert aussi de matière de base pour mille et un produits dans notre vie quotidienne, comme le plastique et les médicaments, ou encore des produits techniques pour le bâtiment, les machines, etc. ![]() Notre pain quotidien dépend aussi en grande partie du pétrole: mentionnons les engrais et pesticides, les tracteurs pour labourer, semer, traiter et récolter, l'énergie pour les transports, les transformations et la distribution des aliments. Avec moins de produits pétroliers, nos structures de vie, de production agricole et industrielle, ne pourront plus continuer à cette échelle. Les transports, la globalisation, tout est menacé. Peut-on se fier aux énergies alternatives ou faut-il trouver des solutions différentes? Les énergies électriques dites "renouvelables" ne le sont pas. Les installations solaires, éoliennes et hydraulique ne produisent que de l'électricité et sont à 100 pour cent dépendantes des énergies fossiles. Sans pétrole ou charbon, les barrages, panneaux solaires et les éoliennes ne peuvent pas être construites ni renouvelés. Alors, pour le futur il faut mieux oublier les transports sur base d’électricité. Même si nous trouvions d'autres énergies, cela nous permettrait seulement de continuer à surexploiter les autres ressources de plus en plus rares, telles que l'eau potable, les sols fertiles, les forêts. Ni la technologie, ni l’optimisme, n’i l’argent ou la créativité intelligente pourront remettre en vie les espèces disparues, récréer les minéraux épuisés ou remettre en état des environnements naturelles détruits. La "décroissance" Logiquement, quand on est allé trop loin, quand on consomme trop, il faut réduire. Mais quoi, de combien et dans quelle limite de temps? Le mouvement de la décroissance suggère différentes solutions, dont la redistribution des ressources afin de permettre une vie digne pour tous. Mais un meilleur partage de la nourriture et des produits indispensables à la vie ordinaire ne suscitera pas automatiquement une réduction de notre consommation des ressources. Une deuxième proposition préconise la simplicité volontaire. Cette responsabilisé individuelle est importante. Ce sont les grains de sable qui font la plage. Les citoyens et citoyennes sont le peuple et constituent le pouvoir politique démocratique. C’est nous qui pouvons changer et décider de réduire et éliminer certaines activités trop coûteuses pour la terre. Cependant, les dirigeants au pouvoir, chefs d'entreprise, politiciens et politiciennes et les experts en sciences économiques, portent une grande responsabilité. Ce sont eux qui continuent à prôner la croissance. Critiquer le consumérisme, c’est blâmer les victimes d’une politique écologiquement irresponsable. Les économistes ont "inventés" des genres de "croissances durables" – "découplées", "immatérielles", "différentes", "équilibrées", "adaptées", etc. Mais en réalité, ce ne sont que des illusions trompeuses, parce que la croissance a toujours besoin de matières premières et de nourriture. Chaque unité de PIB représente une quantité de matière. L'amélioration de l'efficacité et l’internalisation des coûts externes ne peuvent pas remédier les effets de la croissance. L’emploi, les "jobs", ne peut pas justifier une continuation sans changements bien réfléchis. Étant donné que la technologie ne pourra pas remédier les pertes non plus, nous devrons réduire, par moyen de la relocalisation et le ralentissement du rythme de vie. Nous pouvons à nouveau travailler où l’on habite, consommer les produits locaux de l'agriculture et de l'industrie, moins de luxe, plus sain. Dans un monde qui nous rendra heureux sans le grand détour destructif de la production industrielle, il ne nous manquera pas de travail, surtout dans l’agriculture. Notre choix de direction doit être fondé politiquement. Les dirigeants élus, les fonctionnaires ainsi que les responsables de l’économie privée doivent saisir que les problèmes se posent d’une autre manière, qu'il faut absolument arrêter la croissance, dire stop! La réorientation et restructuration économique et sociale qui s’en suivent feront l’objet d’une discussion démocratique qui engagera toute la population. ![]() Urgence? La population mondiale croît de 75 millions par année. La Suisse n'a pas d'espace illimité non plus. Chaque seconde, un mètre carré de territoire est consacré à la construction de routes et des bâtiments. Le déboisement et la désertification, la perte d'espèces, l’épuisement des minéraux: ces développements continueront aussi longtemps que nous ne disons pas halte! Depuis l’âge de pierre, 8000 générations se sont écoulés. Depuis les civilisations de la Mésopotamie ce sont quelques 240 générations. L'ère industrielle compte 12 générations jusqu'à présent. Le futur est le présent, cette génération, nos parents et nos enfants, nous-mêmes. Sans ressources pour vivre, les "générations futures" resteront hypothétiques. Si ces chiffres ne suffisent pas, l'urgence deviendra la plus évidente dès lors que nous constaterons le déclin à notre porte avec la raréfaction du pétrole, d’ici quelques années. Urgent est la compréhension que chaque jour de croissance est un jour de perdu pour revenir à une société durable, à un style de vie qui peut durer longtemps sans modification. Une transition vers des structures relocalisées, plus lentes, plus modestes prends du temps et de l’énergie fossile. Il est extrêmement urgent de commencer cette transition, au lieu de construire encore une autre autoroute, voie de transports publics ou gadget technique. Sans l’arrêt de croissance, suivi par la décroissance matérielle, il est fort possible que nous subissions le même destin que d'autres espèces dans l'histoire. Nous cèderions la place à d'autres, ceux qui pourront survivre avec les restes que nous aurons laissés derrière nous. Si notre surexploitation de la planète est si haute et nos dirigeants poussent paradoxalement toujours pour la croissance, faut-il désespérer, abandonner les efforts? Non! Céder c’est perdre. Il faut de la détermination pour continuer à vivre. ![]() |